Overblog
Editer la page Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Présentation :

Premier Repaire de Là-Bas Si J'y Suis de Haute-Savoie, créé en 2007 !

Rechercher

/ / /

Sur ImediaTV.ch : conférence de Patrick Viveret : Reconsidérer la richesse

Fondements et propositions pour une économie soutenable

Professeur de philosophie à l’Ecole Normale (Paris) et l’un des initiateurs du processus Dialogues en Humanité. Conseiller référendaire à la Cour des Comptes française, chargé par le Secrétariat d’Etat à l’Economie solidaire d’explorer des nouveaux critères et indicateurs économiques.

Son rapport final "Reconsidérer la richesse" rendu et publié en 2002, analyse en profondeur les causes des crises économique, sociale et écologique, et propose des chemins alternatifs. Avocat d’une sobriété heureuse, il vient de publier "Comment vivre en temps de crise » en collaboration avec Edgar Morin.

Conférence du 2 décembre 2010 à Uni-Dufour à Genève

Introduction : Camille Bierens de Haan (EcoAttitude), Christophe Dunand, (Chambre de l’économie sociale et solidaire, APRÈS-GE), Benito Perez (Le Courrier).

Patrick Viveret :

Philosophie + comptabilité à la Cours de comptes française

Les ‘compte’ et les’ contes’, identités narratives choix de sociétés qui ne sont pas neutres et objectifs… si on veut mettre la démocratie au centre des choix comptables…

Les indicateurs de richesses, mission sur les nouveaux indicateurs de riches, commandée par le secrétariat d’état pour l’ESS, du gouvernement de Jospin en 2000. A l’époque on pensait : si on est gentil et anticipateur… faut avoir d’autres lunettes

3 conférences internationales, même avec l’OCDE, commission Stieglitz… forum pour d’autres indicateurs de richesses, dans d’autres pays aussi, pour créer un débat démocratique autour de ces questions, au cœur du débat public et aussi des économistes. Stieglitz disait : nous avons des représentations de la réalité économique et sociale qui nous ont rendu aveugles. La fameuse crise actuelle était prévisible si on avait eu d’autres lunettes, notamment sur le plan macroéconomique. Si on veut arrêter d’aller vers la gouffre et trouver de nouvelles voies, on a intérêt à aller regarder cette fameuses crise, arrêter de séparer les différentes phases (écolo, économique, financières…), et voir par exemple le rapport entre la démesure et le mal-être.

Exemples de découplages qu’une autre manière de regarder le réel aurait permis de mettre en évidence : RICHESSE MONéTAIRE, PIB, ET RICHESSE SOCIALE = pour ça il faudrait développer un indicateur de santé sociale, calculé depuis 1959, acquis statut académique pour évaluer la bonne ou mauvaise santé sociale d’un pays en tenant compte de la mortalité infantile, la criminalité, les accidents de la route et du travail… éléments basiques. Indicateur qui permet de donner une image approximative de la santé d’un pays et si vous la couplez avec le PIB, vous voyez des choses intéressantes dans les pays où la dérégulation économique est forte : ex américain, y’a un vrai décrochage qui apparaît dans les années 80 avec les politiques de Reagan. Les effets des politiques organisées autour de la dérégulation se traduisent aussi par le fait que la plus grande économie mondiale se retrouve être incapable de traiter des problèmes tels que la pauvreté, la discrimination raciale, des catastrophes naturelles (ouragan Katrina). Connaissant ce découplage on aurait pu l’anticiper. En France les émeutes urbaines sont ainsi anticipables : accentuation de la crise sociale due à l’augmentation des inégalités. USA : la fortune personnelle de 225 personnes est égale au revenu cumulé de 2 milliards d’être humains, exemple de démesure, qu’une telle misère soit possible au cœur d’une telle abondance ! Tous les efforts ne suffiront pas à contenir la crise de cohésion sociale si on garde les mêmes lunettes de pensée dominante. La crise financière est caractérisée par une formidable démesure… Avant septembre 2008, la part de bien et de services effectifs représentait moins de 3% par rapport à l’économie spéculative ! Si ce rapport est autant déséquilibré, le système ne peut fonctionner ! Quant au 97 %, le Wall Street Journal a écrit dans un éclair de lucidité : Wall Street ne connaît que 2 sentiments : l’euphorie ou la panique ! Pas très indiqué pour des arbitrages rationnels dans les marchés financiers. Ça rappelle la psychose maniaco-dépressive ! Quand un système est sur-déterminé par l’économique, domaine lui-même sur-déterminé par la finance… maniaco-dépressive… passer son temps à tenter de rassurer les marchés financiers, grands malades… qui faudrait commencer par soigner !

3ème exemple, la facette écologique, elle aussi prise dans la démesure. Le productivisme et ses conséquences dans notre rapport avec la nature qu’il prenne la forme du dérèglement climatique ou des atteintes à la biodiversité est bien décrit par l’indicateur de l’empreinte écologique : entre production, consommation et gestion des déchets… il faudrait plusieurs planètes ! Absurde et insoutenable !

Ces éléments étaient et sont à la disposition des politiciens, et ils pourraient voir venir les catastrophes s’ils avaient d’autres lunettes de lecture de ces indications. Il faudrait choisir de regarder autrement la réalité, mais l’imaginaire se trouve bloqué, par exemple sur la pensée TINA ‘There Is No Alternative’ de Margareth Thatcher. Cette pensée de la sidération, qui dit que rien d’autre est possible, est non seulement partagée par les catégories dominantes, mais aussi par les victimes de ce système ! C’est là que ça devient pervers

‘L’arme suprême de l’oppresseur se trouve dans la tête de l’opprimé’ ! La Boetie, servitude volontaire.

L’effet de sidération : même les acteurs qui sont victimes d’un système de domination finissent par faire partie du système de domination. Il faut donc commencer à débloquer notre propre imaginaire, aller repérer à quel point les différentes facettes de la crise sont reliées entre elles et ne pas les découpler, comme le font les gouvernements, ne pas oublier les liens entre les aspects financiers, écologiques et sociaux, fuite en avant financière en traitant que les symptômes et pas les causes, liées à la maniaco-dépression des marchés et à la dérégulation, couplée à la fuite en arrière écologique et sociale ! En ‘sauvant’ à coup de milliers de milliards un système financier qui n’est toujours pas sauvé, mais au contraire aggrave son insoutenabilité, entre temps on a vidé les caisses publiques et on prétend qu’il n’y a pas d’autres solutions que des programmes d’austérité colossaux qui eux-mêmes vont aggraver la facette sociale de la crise. Si on veut sortir de cet engrenage, il y a ce rapport à la démesure, du creusement des inégalités, de l’hyper productivisme, démesure du découplage de l’économie financière et de l’économie réelle. On peut ajouter la démesure au niveau politique qu’a été l’effondrement de l’empire soviétique y’a une vingtaine d’année, en même temps que les changements dans l’économie. Dans les 2 cas c’est de la démesure (dans les rapports au pouvoir en URSS).

Derrière cette démesure (on le met pas souvent en évidence), il y a du mal de vivre, de la maltraitance, de la violence : voir les coûts et les coups de cette maltraitance…

Rapport PNUD 1998 : qu’est-ce qu’il faudrait pour enrayer la misère et en parallèle 3 grands budgets : l’armement, les stupéfiants et la publicité. Comparaison : on prétendait ne pas trouver 40 milliards de dollars alors que rien que dans le publicitaire on était à 10 x plus (400 milliards) idem pour les stupéfiants (+ toute la partie souterraine !). Quant aux budgets d’armement c’était 20 x plus (800 milliards de dollars). Aujourd’hui proportions équivalentes. Publicité en 2010 : 1400 milliards de dollars annuellement ! Regardons ces 3 domaines : avec les stupéfiants, c’est de la gestion du mal être et du mal de vivre (3 millions de drogués aux USA) : économie du mal être et du mal de vivre ! Pour l’armement, les budgets ne gèrent pas la protection (ex choléra en Haïti ou inondations au Pakistan… scandaleux vu l’intégrisme qui se développe là-bas…), par contre il gère de la domination, de la peur, de la maltraitance : économie du mal être. Et la publicité ? Là où on aurait besoin d’information pour la lutte contre la faim etc… elle ne gère que la consommation. Qqn dans un colloque a fait un lapsus, au lieu de parler de ‘consommation’ elle a dit ‘consolation’… c’était très juste. Alors que notre système est inverse : plus il y a d’atteintes à l’environnement, plus on nous envoie des images de beauté, plus nous sommes dans le stress, la rivalité, la compétitivité plus on nous parle d’amitié… plus nous sommes en absence de vie intérieur, plus elle nous parle d’authenticité… Pub de camembert : Rustique, le goût de l’authentique ! (en philo : du développement dans l’ordre de l’être). Pour accéder à la beauté, l’amitié etc, il vous faut consommer plus, prendre de plus grandes doses de l’ordre de l’avoir. Pour les ‘bénéficiaires’ de ce système, ça va générer bcp de frustration… l’amour et la beauté se feront toujours attendre… On vous expliquera que si vous n’étés pas satisfaits, c’est que vous n’avez pas pris la bonne dose : logique d’addiction : du toujours plus… qui va créer de la rareté à l’autre pôle ! Il y aurait de quoi nourrir les 7 milliards d’humains, l’accès à l’eau potable, à l’éducation et aux soins de base, toute la liste des Nations Unis. Mais la rareté engendrée par la sur-consommation et au sur-stockage va générer de la pauvreté et de la misère. Gandhi : ‘il y a suffisamment de ressources, sur cette planète, pour répondre aux besoins de tous, mais il n’y en a pas assez pour satisfaire le désir de possession, l’avidité, la cupidité, fusse de quelques uns’. Ça se vérifie parfaitement !

Le besoin est régulé par la satisfaction (vous avez faim, vous mangez et vous n’avez plus faim). Mais le ‘désir’ est sur l’axe vie-mort, c’est une autre façon de lutter contre la mort. La puissance énergétique du désir est bcp plus importante, sans commune mesure avec le simple besoin. C’est pas gênant si ce désir est orienté dans l’ordre de l’être plutôt que de l’avoir et si ce désir prend en compte le respect de l’altérité, par ex désir de beauté, amitié, paix ou sérénité. Mais dans l’ordre de l’avoir : bonjour les dégâts, 5 yachts, des villas et des actions bancaires ne suffiront jamais puisqu’il s’agit d’une lutte contre l’angoisse de mort. C’est la logique de l’accumulation bien au-delà du superflu, comme celle du pouvoir comme Staline ou Hitler… même au sommet de leur puissance, ils se sentaient toujours menacés. C’est un dérèglement majeur du désir… qui devient ce qu’on appelle de la pulsion : un capitalisme pulsionnel. Le rapport entre la démesure et le mal-être et de même nature que sur le plan individuel chez les personnes alcooliques ou boulimiques qui compensent leur mal-être.

Les stratégies réformatrices sont autour d’un couple positif qui allie l’acceptation des limites (sobriété, frugalité etc..) où il s’agit de sortir de la logique de la démesure, arrêter avec la folie de l’hyper-productivisme, avec le creusement des inégalités sociales, et refaire du combat pour une justice sociale un combat principal, arrêter avec la folie de l’économie financière… mais il faut aussi travailler avec autant d’attention et d’imagination créatrice sur les réponses à apporter au mal de vivre, sur le terrain de l’entraide, des stratégies coopératives, du côté de la joie de vivre. Si on ne travaille pas ce second volet, c’est comme proposer une cure de désintoxication… Depuis le forum de Belem la question du ‘BIEN VIVRE’ est un enjeu politique sociétal en plus d’un enjeu personnel. Pierre Rabhi, avec son expression suggestive de ‘sobriété heureuse’, signifie qu’il faut s’affronter à l’essentiel qui pose 3 questions fondamentales et très difficiles : les questions de l’amour, du bonheur et du sens.

Ça ne va pas de soi car l’aspiration à ces questions essentielles on fait des dégâts dans l’humanité. Pour se prémunir de l’instrumentation des ces questions dans un espace collectif, mieux valait les réserver à l’espace privé et les ‘interdire’ dans l’espace publique. Par ex. la question du bonheur, il y a un double interdit, celui de droite et celui de gauche. Celui de droite vient directement du néo-libéralisme : les vices privés forment les vertus publiques, Adam Smith avec la thèse de la main invisible du marché a repris cette notion. Plus de question de discernement, qu’est-ce qui est positif, quelle direction d’une bonne ou mauvaise société puisqu’on fait cette hypothèse d’alchimie qui permet à n’importe quel acteur de poursuivre ses seuls intérêts et que l’alchimie de cette poursuite globale d’intérêts égoïstes va produire de l’intérêt général ! du coup pas de limitations et pas de questions sur le bonheur ou le bien vivre. L’interdit de gauche, comme un des grand promoteur du bonheur est St Just avec sa phrase : ‘le bonheur est une idée neuve en Europe’, mais manque de chance St Just a fait partie de la terreur révolutionnaire, du coup qui dit bonheur dans l’espace publique dit ‘politique du bonheur appliquée à des peuples malgré eux’ donc risque de despotisme, voire de totalitarisme, donc toute la gauche anti-totalitaire, autogestionnaire, interdit de se poser cette question. Dans les 2 cas : absence de débat démocratique sur le bonheur, sur la reconnaissance de l’altérité, qui permet ensuite l’intrumentation de l’idée du bonheur, de même pour toutes les valeurs fondamentales. Ex si on fait pareil avec la notion de liberté, sous prétexte que le capitalisme l’a intrumentée… ou si sous prétexte que le collectivisme a traité la question de l’égalité, on s’interdit de considérer la lutte contre les inégalités comme un objet de débat public. Ou parce que la question de l’amour a été instrumentée par des relogions comme le christianisme, avec des phénomènes aussi destructeurs que les croisades, l’inquisition, on s’interdit de traiter la question de l’amour… Une absence d’interrogation sur le traitement démocratique fait qu’on s’interdit la question du bien vivre, du bonheur, et du sens… Nous sommes une espèce humaine qui sait qu’elle va mourir, donc inévitablement, les questions du sens se posent ! Pas seulement à titre personnel, mais aussi publiquement. Mais si on considère que els questions du sens sont négatrices de l’altérité d’autrui, si tout sens est porteur d’exclusion à l’égard des autres sens, plutôt que de risquer le basculement vers le fondamentalisme ou l’intégrisme, on finit par définir une posture prophylactique qui est de dire : expulsons les questions du sens de l’espace public. Du coup on ne parle pas de bonheur, de bien vivre, pas de sens ni d’amour. Freud dans ‘malaise dans la civilisation’, 20 premières pages sur le bonheur et malheur et il dit ‘étrange de parler du bonheur sans parler de l’amour… car c’est surtout une voie royale vers le malheur… L’idée que la façon d’aimer puisse être un enjeu, y compris sociétal, est aussi interdit dans l’espace public. Par ex dans l’espace scolaire on n’a pas le droit de parler politique, d’amour et de sexualité, de sens et de religion, donc par rapport aux 4 grandes passions humaines, 4 grandes manifestations du désir que sont la richesse, le pouvoir, le sens et la connaissance, seule la passion de richesse devient licite ! La voie royale vers l’économisme est aussi liée au fait que ces question de bien être et de mal être n’étant pas posées avec une force de qualité démocratique, on s’interdit de parler de l’essentiel, et la voie est ouverte à cet économisme dominant qui nous dit ‘je suis dans l’ordre du futile et de l’inutile, mais cela me préserve de ces grands dérapages qui me guettent dans l’ordre de l’amour, du sens etc..

Comme nous sommes arrivés à l’épuisement du modèle dominant, pour des raisons écologiques, sociales et de + en + pour des raisons économiques et financières, l’insoutenabilité financière qui était le point fort de ce système devenant de + en + patente,  soit on s’engage dans des logiques de régression, redoutables, avec des effets de montée des populismes, autoritaires, comparables aux phénomènes des années 30, avec les risques politiques, culturels et émotionnels (cf Reich, la peste émotionnelle) phénomènes de désagrégation sociale… Mais si on veut travailler du côté des stratégies positives, dynamiques, il faut s’autoriser à dire : les enjeux d’un vivre ensemble, tournés vers un mieux vivre ensemble, vers une meilleure qualité de vie, y compris ces enjeux difficiles des rapports à l’amour, au sens etc.. OUI, nous allons y travailler !

Il y a un enjeu passionnant qui a commencé à apparaître dans les forums sociaux mondiaux, qui est un dialogue de civilisation qui est en train de se nouer. On est dans un moment historique, bien au-delà de la crise, qui n’en est qu’un effet de loupe grossissante, qui est la fin d’un grand cycle historique de la modernité occidentale et celui de sa domination. La grande question est : comment on sort de ce cycle historique par le haut, parce qu’on pourrait en sortir par le bas, par des régressions identitaires, fondamentalistes etc.. ! Pour en sortir par le haut, il faut être capable de prendre ce qu’il y a de meilleur dans la tradition de la modernité occidentale, et de faire du tri sélectif par rapport au pire, et de faire le même exercice, dans un dialogue ouvert et exigent par rapport aux société de traditions. Par ex, ce qu’il y a de pire dans la modernité occidentale relève de tous les phénomènes de chosification : de la nature, du vivant, de l’humanité elle-même (exprimée à l’extrême dans le nazisme et la solution finale) et toutes les formes de domination qui sont toujours une chosification : le colonialisme, l’impérialisme etc.. Dans la modernité occidentale il y a aussi le meilleur : l’émancipation dans ses différente formes, la liberté de pensée, de conscience, l’individuation (qui n’est pas l’individualisme), le droit humain, notamment celui des femmes… Ce sont des éléments à conserver dans la co-construction d’un humanisme universel pour organiser le vivre ensemble planétaire. Ce tri sélectif doit rencontrer la même démarche du côté des sociétés de traditions qui ont 3 points forts : le rapport à la nature, au lien social, et le rapport au sens. 3 grands éléments de reliance qui ont été perdu chez nous, mais cette reliance peut s’apparenter à de la dépendance, si on ne fait pas de tri. Le lien social peut se transformer en contrôle social, un rapport au sens qui se transforme en contrôle identitaire, et un rapport à la nature qui au nom de lois naturelles va interdire toute transformation y compris thérapeutique, sexuel et dans les rapports au vivant etc..

Cette capacité à travailler dans un dialogue ouvert et exigent, permettant de repérer comment on construit un universel qui ne soit pas dominant, comme celui de modernité occidentale qui même quand elle parle de droits de l’homme est dans une posture dominante, et sans accepter le symétrique inverse qui est un relativisme culturel total au nom duquel le droit des femmes, par ex, va être bafoué (excision, voile…). Ces pôles de modernité chosifiante, de rapport de dépendance, et de relativisme conduisent à des phénomènes de régression, alors qu’inversement le travail de co-construction à partir du meilleur a des atouts qui sont extrêmement positifs et on peut l’appliquer de manière concrète. Ex exercice en Inde : faire un tour d’échange sur le meilleur des autres traditions que la sienne (information préalable nécessaire) : grande mosaïque et sentiment très positif puisque chacun était reconnu par autrui dans ce qu’il avait de meilleur (ex : Afrique : rapport aux aînés…) 2ème tout d’échange : le pire dans nos sociétés. La sécurité affective ressentie au 1er tour permettait le travail du 2ème tour (les femmes africaines ont alors parlé de l’excision, mieux que si cela avait été dénoncé par des autres personnes). 3ème tour : les zones grises, le positif de nos propres sociétés ou le pire de celle des autres qui n’auraient pas été exprimées, mais sous forme de question pour que cela ne soit pas agressif.

On commence à appliquer ces démarches dans les forums mondiaux, ex dialogues en humanité.. c’est une façon d’aller travailler sur ce qui est le plus difficile dans notre famille humaine et le ‘bug’ émotionnel, ce décalage entre la formidable performance intellectuelle et la faible maturité de notre intelligence du cœur, Expression fameuse dans sagesse orientale : le rapport entre les 3 intelligences du corps, du cœur et de l’esprit. Si on ne travaille pas sur une élévation de qualité de l’intelligence du cœur et de l’esprit : science sans conscience n’est que ruine de l’âme (Rabelais), c’est au cœur d’une possibilité d’autodestruction humaine. La plupart des grands défis notamment écologiques sont la difficulté qu’à l’humanité à… nous sommes en guerre avec la nature car nous sommes en guerre avec nous-même. Si nous voulons retrouver des conditions harmoniques avec la nature, il nous faut aussi retravailler les manières de vivre en paix avec autrui et avec nous-même. Toutes les sagesses ont mis en évidence le rapport étroit entre la qualité de notre rapport à nous-même et la qualité de notre relation à autrui. Donc les logiques de vivre ensemble qui soient porteuses de joie de vivre est un enjeu collectif et pas seulement individuel, car en définitif il y a le rapport à l’énergie. Soit on est dans de l’énergie prédatrice (écologie, pétrole, énergie renouvelables etc..) mais c’est la même chose dans mes rapports à autrui : si je suis moi-même dans le manque d’énergie intérieur, parce que je ne suis pas dans la force de vie (le mot valeur ‘valor’ dans toutes les langues latines : force de vie ; la valeur ajoutée, c’est du supplément de force de vie). Si je ne suis pas dans la force de vie, ma façon d’aller chercher de l’énergie sera prédatrice, de la ‘piquer’ à autrui. Toutes les attitudes de rivalité, de compétition, de logique guerrière, se mettent en place. Tant que je suis dans ce système-là, je peux être très lucide sur la captation de richesse dans le système capitaliste, je vais compenser par d’autres formes de prédation et de dominance. Le drame du communisme, il était lucide sur la captation de richesse, mais aveugle sur la captation de pouvoir, ce qui est devenu pire que les phénomènes de captation de richesse du capitalisme. Dans la captation de sens, c’est l’intégrisme fondamentaliste, d’autant plus destructeur car le sens étant plus important que le pouvoir et la richesse… Des mouvements alternatifs qui ne sont transformateurs que sur une partie et qui ne travaillent pas sur les logiques de prédation, de pouvoir et de dominance sur les autres terrains, aboutissent à un type de militantisme sacrificiel qui va reproduire sous d’autres formes la prédation de l’énergie. Si on veut échapper à ça, il faut travailler sur la ressource en énergie sur un autre mode, du côté de l’accueil et du lâcher prise. La première source d’énergie qui est la nôtre, c’est le souffle, nous ne le ‘produisons’ pas, nous l’accueillons et nous le retransmettons, dans toutes les traditions on nous dit d’apprendre à respirer. Si on n’est pas dans cette attitude, on ne reçoit pas le souffle ou on ne le retransmet pas et il y a une perte d’énergie. Même chose avec la sexualité et l’amour en général. L’éducation à l’art d’aimer et de respirer sont 2 composantes du rapport entre l’intelligence corps, du cœur et de l’esprit. Dans les dialogues en humanité on accorde autant d’importance à la forme qu’au fond. On choisit de les faire suos les arbres, on ne commence les agoras par des ateliers du sensible (aptonomie, tantrisme,…) on aura ainsi un rapport différent…

Quel lien avec la richesse ? Prendre le mot de richesse dans sa radicalité : qu’est-ce qui compte vraiment dans nos vie ? L’économie n’a de pertinence … encore faut-‘il que le sous-système de l’économie ne soit pas en contradiction avec le système de richesse et de valeur. Si mon sous-système économique appelle ‘richesse’ des activités destructrices (écologiques ou humaines) ça signifie que le sous-système économique dysfonctionne. La reconstruction d’une économie soutenable, c’est une économie qui, partant de la définition de la richesse comme énergie créatrice de la valeur comme force de vie, va dire nous avons besoin d’un autre rapport à la richesse, d’un autre rapport au pouvoir, revisiter le pouvoir comme n’étant pas un pouvoir de conquête et de domination mais un pouvoir de création, démultiplié par la coopération : on se donne mutuellement du pouvoir, il y a de l’énergie circulante qui se met en place. Et changement dans les rapports à la vie elle-même… la question de l’entraide sur le vivre ensemble devient une question déterminante. (rencontre du Québec : globalisons la solidarité…) Axe guerrier-puritain de Bush et Ben Laden… Axe de la coopération, économie sociale et solidaire…mais si cette coopération n’a pas l’énergie de joie de vivre, mais triste, voire sacrificielle, elle n’aura l’énergie suffisante pour contester la logique guerrière et puritaine.

 OUI à la coopération mais festive, ludique. Ça doit être central dans les stratégies alternatives de transformation. C’est le pilier du rêve entre la résistance créatrice, la vision transformatrice et l’expérimentation anticipatrice. Les 3 ensembles sont portés… s’il y a de la lutte sans vision ni expérimentation, elle tourne à la révolte désespérée ; s’il y a de la vision qui n’est pas incarnée, elle tourne à une abstraction lointaine, certes un autre monde est possible, mais il est tellement lointain qu’il ne se réalise jamais ; s’il n’y a que de l’expérimentation reliée sur elle-même, par reliée à de la résistance et de la vision transformatrice ; même les expérimentations les plus transformatrices à l’origine (micro-crédit, entreprises d’insertion, monnaies sociales, etc…) n’ont pas les capacités de limiter la casse du système ou au pire vont être instrumentés par le système. Voilà pourquoi cette perspective-là joue autant sur le registre de la transformation personnelle que sociale.

Phrase relaie autant la face lumière que sombre de nos sociétés actuelles…

Alexandre Lowen : ‘Traverser la vie le cœur fermé, c’est comme faire un voyage en mer au fond de la cale !’

La grande affaire de l’humanité est celle-là : en terme de croisière, le risque de l’iceberg est devant nous, si on ne peut freiner ou éviter l’iceberg, on peut casser les boiseries des cabines de 1ère classe pour fabriquer des canot de sauvetages manquants, pour autant que nous ayons un désir d’humanité suffisant pour monter sur le pont…partie créatrice, transformatrice, du désir comme alternative à la sidération qui nous bloque dans notre imaginaire. La ‘désidération’ : univers du désir.

Donc montons sur le pont !

Questions : d’abord sur la démocratie, comment changer de paradigme économique, face à cette toxicomanie de la consommation, à la ‘sidération’ et la volonté de certains de maintenir les choses telles quelles sont, y a-t-il un espace pour transformer cette société dans le cadre démocratique, ou faut-il un changement brutal, une révolution. Faut-il faire écrouler le système comme il a été proposé par le Bankrun pour faire écrouler la finance internationale.

Patrick Viveret : un point de précision : l’initiative n’est pas de retirer l’argent des comptes, c’est qqch de bcp plus subtile, c’est de retirer DE l’argent des comptes. Les pièces et les billets ne représentent qu’une toute petite partie de la masse monétaire en circulation, à peu près 7 %. L’essentiel de l’argent qui est créé par le crédit et par les banques privées, ça ne leur coûte rien de le créer. La logique de l’intérêt composé n’est pas acceptable. Dire qu’on va retirer de l’argent de nos banques régulièrement pour assécher le liquide, ça va permettre de construire un débat démocratique autour de ce qui est la création monétaire. L’essentiel des dettes sont liées au changement au niveau de la création monétaire. Ce n’est pas que les états se seraient mis à gaspiller considérablement. En général ceux qui l’ont fait c’est plutôt les gouvernements conservateurs qui ont engagé des dépenses, notamment militaires, très importantes (Reagan) et de l’autre côté réduit les impôts. C’est vraiment une stratégie cynique pour assécher les caisses publiques. La plupart on n’a pas de dépenses, par ex sociale qui soit devenue trop importantes ces dernières décennies. L’origine de la dette publique c’est la création de dette avec intérêt par les banques commerciales, du coup les états doivent s’endetter auprès de ces banques commerciales, la part des intérêts composés est la partie majeure de la dette publique. L’exemple français que je connais le mieux, mais c’est pareil ailleurs, sur les 1500 milliards de dette publique, y’en a 1350 qui sont dus aux intérêts composés. Si on n’avait pas changé de système et qu’on avait continué à faire de la création monétaire sans intérêt, la dette française serait de 150 milliards, ce qui change tout. L’initiative qui a été lancée est intéressante si elle peut susciter un débat démocratique, c’est un support d’éducation populaire, bien plus subtile que de dire ‘retirez l’argent de vos banques’, d’autant que ça fait écho à une autre campagne qui disait ‘CHANGER VOTRE BANQUE OU CHANGER DE BANQUE’ c’est de créer des mesures incitatrices pour dire que si une banque ne rempli pas une certain nombre de critères minima par rapport au développement soutenable, au paradis fiscaux, par rapport à la spéculation, oui, retirez vos comptes de cette banque, mais favorisons d’autant plus les organismes bancaires, et là il y a un véritable enjeu du côté de l’économie sociale et solidaire, dans laquelle le secteur bancaire a sa place, mais qui par mimétisme a été attiré vers des pratique de capitalisme financier. Donc c’est une formidable pression positive pour leur dire : renouez avec vos vraies valeurs et vos origines transformatrices et vous serez directement bénéficiaires de ces transferts de comptes. C’est un exemple de stratégie transformatrice possible. On peut être dans la radicalité transformatrice (dans mon trépied du rêve…) sans être dans une logique binaire du tout ou rien : tant que la révolution n’est pas faite on est condamné à de simples révoltes… non est dans une situation où on peut débloquer l’imaginaire en montrant non seulement la nécessité mais la possibilité de grandes réformes structurelles, sur le terrain financier et monétaire, la création d’une monnaie mondiale qui soit une monnaie cohérente avec un développement soutenable est une proposition qui a été faite par Bernard Guetta, ancien responsable de la banque centrale de Belgique. Ce projet de monnaie mondiale de développement soutenable n’empêche pas de construire, ici et maintenant, toutes les expérimentations (partie E : expériences émancipatrices) de monnaies locales, sociales etc… qui vont préparer le terrain de ces réformes de structure. On n’est pas condamné aux logiques binaires. On peut très bien s’engager dans des transformations radicales, sans s’interdire d’aller le plus loin possible, dans l’ici et maintenant, dans des réformes transformatrices. Sinon on a du sentiment d’impuissance et des montées de violences.

Suite de la conférence…

 

 

 

Partager cette page
Repost0